Par Manon Barré ©La Settimana

L’image du sportif monté sur muscles, dépourvu de tout sens logique, et à qui n’importe que son corps et son sport, vous semble bien dépassée, désuète, voire complètement ridicule ? Pourtant, certains persistent à nous voir ainsi. Et si, plutôt que les blâmer, nous démontions intelligemment leurs préjugés histoire de montrer au monde que les sportifs cumulent beaucoup plus que des qualités physiques ?

Le choix cornélien du corps ou de l’esprit

Notre système est, depuis longtemps et peut-être inconsciemment, fondé sur la séparation du corps et de l’esprit. Nous traitons les symptômes avec des médicaments en oubliant les causes, nous observons les maux physiques en omettant les mal-êtres psychiques, nous privilégions le confort matériel au détriment de la tranquillité mentale. Bref, les exemples ne manquent pas. Le plus notable d’entre eux reste cependant celui à travers lequel nous passons tous·tes, et qui sait déterminer à lui seul notre vie future : le système scolaire. 

En effet, l’école nous classe dans deux catégories : la catégorie manuelle et ses filières techniques, et la catégorie intellectuelle et ses filières générales. Mais cette distinction qu’effectue le système scolaire entre le manuel et l’intellectuel n’est pas fondamentalement problématique. Ce qui l’est, c’est l’image que l’on s’en fait. Et pour cause, alors que les élèves issu·es de formations générales sont jugé·es aptes à faire usage de leur intellect mais pas de leurs mains, les élèves formé·es à l’artisanat subissent, eux·elles, le préjugé contraire. Nos prédispositions, nos affinités avec les métiers manuels n’entravent pourtant aucunement nos facultés et notre potentiel à effectuer des activités mentales, et vice-versa. Pour dire vrai, chaque métier constitue une habile combinaison où le corps et l’esprit sont sollicités conjointement à différents degrés. 

Le sport subit, lui aussi, cette discrimination. Parce que nous aimons consacrer du temps au sport chaque jour (ou presque), une partie de l’imaginaire collectif pense (à tort), que nous laissons tout raisonnement logique de côté. Il n’y a qu’à voir les titres de certains articles de presse, du genre “la tête ET les jambes,” pour comprendre combien cela semble inédit. À croire que combiner les deux revient à être le fruit d’une étrange mutation… Heureusement, cela n’a rien de surhumain ! La preuve, les filières sport-études l’ont bien compris. Comme quoi, sport et intelligence n’ont rien d’antinomique.

Bien plus que de “simples tas de muscles”!

Clichée, cette entrée en matière, n’est-ce pas ? Pourtant, combien de personnes peuvent se targuer d’être beaucoup plus que ce qu’on croit qu’elles sont ? Beaucoup plus qu’un physique, ça, c’est certain. 

Un·e bodybuilder·euse, par exemple, ne fait pas “QUE de la gonflette”. Loin de là. Tout·e sportif·ve exerce bien plus que l’activité physique qu’il·elle pratique. S’adonner à un sport, c’est acquérir une vaste culture générale : des connaissances nutritionnelles et physiologiques poussées, une science de l’entraînement aiguisée par la pratique et la théorie. Cette dernière étant d’ailleurs acquise par la lecture d’articles spécialisés, d’études, de livres, de visionnage de documentaires, etc.

Le sens tactique se développe aussi grâce au sport, au vécu, aux essais et aux échecs. Cela peut également sembler anecdotique, mais la géographie n’a (presque) aucun secret pour les sportif·ves : ils·elles voyagent en direct pour effectuer des compétitions, et en différé pour en visionner d’autres à la télévision. Les sportif·ves sont curieux·euses, se documentent sans cesse et sans même s’en rendre compte. En lisant, ils·elles peaufinent leur orthographe, leur lexique. En s’adonnant au sport, ils·elles se forgent un mental solide, se donnent une chance de se déconnecter du quotidien, de prendre une bouffée d’air frais et d’avoir les idées claires. En somme, c’est tout un panel de connaissances et de bienfaits qui prennent forme autour du sport. Et oui, ce n’est tout de même pas par hasard que Juvénal a écrit “mens sana in corpore sano” (un esprit sain dans un corps sain) !

Se lancer dans le grand bain du sport, c’est déjà être friand·e de curiosité et d’audace. C’est en apprendre constamment sur soi, sur les autres, sur le monde qui nous entoure... et c’est vouloir en apprendre davantage encore. Alors, le doute n’est plus permis : les sportif·ves ne sont, décidément, pas incultes. Et non, à mesure que le muscle gonfle, le cerveau, lui, ne se dégonfle pas.